L’allée des femmes engagées
Pour rendre hommage aux 6 femmes choisies, des portraits ont été réalisés par l’artiste Sophie Degano. Gravés sur linoléum dans un style épuré permettant de mettre en avant l’essentiel de ces femmes c’est-à-dire leur force, leur détermination mais aussi leur douceur, les portraits ont été ensuite imprimés sur des panneaux qui jalonnent la traversée piétonne du Champ Prieur.
Ces panneaux en tôle dont le piétement est en acier galvanisé et peints aux couleurs des luminaires de l’écoquartier, sont recto / verso avec un portrait d’un côté et un texte descriptif de l’autre.
Olympe de Gouge (7 mai 1748 – 3 novembre 1793)
Marie Gouze, mieux connue sous le nom d’Olympe de Gouges, était une femme politique et écrivaine française engagée dans la promotion des idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité pendant la Révolution Française. Née à Montauban en 1748, cette autodidacte précoce épousa Louis Aubry en 1765, mais devint rapidement veuve avec un enfant à charge. Elle partit ensuite vivre à Paris où elle mena une double existence : mère dévouée et intellectuelle passionnée.
Ayant toujours été convaincue que les femmes méritaient les mêmes droits que les hommes, Olympe de Gouges publia plusieurs ouvrages sur ce thème entre 1788 et 1791, dont “Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne”. Dans ce manifeste visionnaire, elle exigea l’application des principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen adoptée par l’Assemblée nationale constituante française en août 1789, affirmant notamment que « La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits ». Elle y réaffirme l’égalité des droits entre les hommes et les femmes puis elle précise quels sont ces droits « la liberté, la propriété, la sûreté et surtout la résistance à l’oppression ». Ce texte fondateur revendiqua haut et fort l’égalité juridique entre les sexes, incluant des questions aussi essentielles que le droit de vote, le partage des biens en cas de séparation et la protection des femmes et des enfants dans le cas de naissances hors mariage.
Forte de convictions profondes, Olympe de Gouges ne tarda pas à élargir son champ d’action, prenant position sur divers sujets sociaux et politiques tels que l’abolition de l’esclavage, la fin de la peine de mort, ou encore son soutien aux Girondins. Ses prises de positions audacieuses lui valurent de nombreux adversaires politiques conduisant à sa mise en accusation pour trahison lors de la Terreur. Emprisonnée puis guillotinée en novembre 1793, elle sacrifia courageusement sa vie au nom des causes qu’elle avait choisi de servir.
L’œuvre et l’exemple d’Olympe de Gouges ne furent mis en lumière qu’à partir de 1840 date à laquelle quelques extraits de ses écrits furent publiés. Il faut attendre 1986 pour que l’ensemble de sa « Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne » soit publiée. Son engagement continuent d’insuffler force et espoir à celles et ceux qui aspiraient à transformer durablement la société française.
Joséphine Baker (3 juin 1906 – 12 avril 1975)
Née Freda Joséphine McDonald en 1906 aux États-Unis, Joséphine Baker est rapidement devenue une figure emblématique du music-hall grâce à ses talents de chanteuse, danseuse et meneuse de revue. Cependant, c’est surtout pour son engagement inlassable et multidimensionnel dans la lutte contre le racisme et la promotion de la liberté, de l’égalité et de la solidarité mondiale qu’elle restera gravée dans l’histoire.
Après être partie vivre en Europe pendant les Années Folles, Joséphine Baker découvrit un accueil beaucoup plus favorable à ses origines afro-américaines, ce qui lui permit de connaître une ascension fulgurante vers la gloire artistique. Au fil des ans, elle devint non seulement une artiste mondialement reconnue mais également une ambassadrice culturelle influente, parcourant le globe pour promouvoir divers messages humanistes et interculturels.
En tant que personnalité publique engagée, Joséphine Baker participa activement à différents combats civils et sociaux tout au long de sa vie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle travailla comme agent secret pour les Forces Françaises Libres, collectant des informations vitales derrière les lignes ennemies sous couvert de ses tournées de spectacles. Parallèlement, elle prêta main forte à la Croix Rouge française.
Elle adopta douze enfants orphelins issus de pays et cultures différents, matérialisant ainsi son rêve d’une famille arc-en-ciel symbole de paix et d’harmonie universelles.
Au cours des années 1950 et 1960, Joséphine Baker intensifia encore davantage son investissement dans le mouvement des droits civiques, notamment en prenant part aux marches pacifiques organisées par Martin Luther King Jr., ou en apportant son soutien financier à la NAACP (Association Nationale pour la Promotion des Personnes de Couleurs). Ses discours poignant appelant à mettre fin au fléau de la ségrégation raciale dans son propre pays eurent un retentissement considérable.
Joséphine Baker prouva qu’une star de divertissement pouvait utiliser sa notoriété et son influence pour servir des causes justes et inspirer toute une génération à croire en un avenir meilleur basé sur l’acceptation, l’inclusion et la fraternité entre tous les peuples. Sa contribution exceptionnelle à la construction d’un monde plus équitable fut officiellement reconnue en 2021, puisqu’elle intégra le Panthéon français, devenant ainsi la première femme noire honorée de cette manière prestigieuse en reconnaissance de ses actes héroïques et de son impact durable sur la société.
Lucie Aubrac (29 juin 1912- 14 mars 2007)
Lucie Aubrac était une résistante française de premier plan, née en 1912 et décédée en 2007. Éducatrice, auteure et militante infatigable pour les droits humains, elle acquiert une renommée mondiale pour ses actions courageuses pendant la Seconde Guerre Mondiale, notamment comme cofondatrice du mouvement Libération Sud.
Lucie Aubrac épousa Raymond Samuel, alias colonel Aubrac, en 1939. Ensemble, ils rejoignirent la Résistance française après l’invasion allemande de 1940. Ils ont été particulièrement actifs au sein de Libération-Sud, un groupe visant à organiser des soulèvements populaires contre l’occupation nazie. Grâce à son intelligence, son charisme et sa détermination, Lucie Aubrac devint rapidement une figure majeure de la Résistance, utilisant des pseudonymes variés pour dissimuler sa véritable identité.
L’audace et le sens stratégique de Lucie Aubrac permirent à son mari de survivre à une exécution imminente ordonnée par Klaus Barbie, chef Gestapo connu sous le nom de “bourreau de Lyon”. Elle monta une opération audacieuse pour sauver son mari, simulant même une fausse grossesse afin de convaincre les Allemands de la laisser rencontrer son mari et ainsi lui transmettre des informations sur son évasion.
Après la guerre, Lucie Aubrac poursuivit son action en faveur de la justice sociale et des droits humains. Devenue professeure d’histoire depuis 1938, elle écrivit plusieurs livres sur sa période de résistance et transmit ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité à travers ses enseignements. Elle s’impliqua dans des organisations progressistes pour promouvoir la tolérance et la compréhension mutuelle entre les nations.
Dans les dernières années de sa vie, Lucie Aubrac continua à prendre position sur des questions brûlantes d’actualité, tel que la condamnation du colonialisme, le refus des guerres et la préservation de la mémoire historique. Sa capacité à transcender les divisions politiques et raciales fit d’elle un exemple de persévérance face à l’adversité et une source d’inspiration pour les générations futures. Reconnaissant son immense contribution à la nation, elle fut décorée de la Légion d’honneur, la plus haute distinction honorifique française. Le courage, la ténacité et le leadership visionnaire de Lucie Aubrac constituent toujours un précieux héritage pour celles et ceux qui cherchent à construire un monde plus juste, solidaire et inclusif.
Rosa Parks (4 février 1913 – 24 octobre 2005)
Rosa Louise McCauley Parks, née en Alabama en 1913 et décédée en 2005, est une activiste américaine des droits civiques connue internationalement pour avoir déclenché le boycott historique des bus de Montgomery en décembre 1955 – un événement clé ayant contribué à faire naître le mouvement des droits civiques aux États-Unis.
Rosa Parks a vécu sa jeunesse dans un Sud étasunien où la discrimination raciale était omniprésente. Malgré ces obstacles, elle obtient son certificat d’enseignement en 1933 avant de se consacrer entièrement à la défense des droits fondamentaux des Afro-Américains. Adhérente au parti communiste et membre de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), elle participe à de nombreuses campagnes locales contre la ségrégation scolaire et le vote discriminatoire.
Le 1er décembre 1955, alors âgée de 42 ans, Rosa Parks refuse de céder sa place assise dans un bus public à un passager blanc, violant ainsi directement les lois Jim Crow régissant la ségrégation raciale dans les transports en commun. Arrêtée et inculpée pour trouble à l’ordre public, elle devient immédiatement un symbole de la lutte contre la discrimination ethnoraciale. Afin de soutenir Rosa Parks et exprimer leur désaccord avec les lois ségrégationnistes, de nombreux citoyens Afro-Américains initient un boycott massif des bus municipaux de Montgomery, qui durera 381 jours jusqu’à l’abrogation des lois concernées. Cette mobilisation populaire sans précédent permettra à Rosa Parks et aux autres leaders du mouvement civil de porter leurs demandes légitimes au niveau national et d’obtenir gain de cause.
À partir de cet épisode fondateur, Rosa Parks continue de militer ardemment en faveur de l’égalité des droits pour toutes et tous. Après avoir déménagé à Detroit dans le Michigan, elle travaille durant deux décennies au Congrès américain au service du représentant John Conyers Jr. Engagée dans de multiples associations caritatives, elle œuvre inlassablement pour améliorer les conditions de vie des minorités marginalisées. Pour ses accomplissements remarquables et son rôle crucial dans l’avancée des droits civiques, elle reçoit en 1996 la médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction civile octroyée aux États-Unis.
La vie et les combats de Rosa Parks illustrent parfaitement comment une simple action individuelle peut susciter un changement positif et significatif dans une société. Symbole fort de la dignité humaine et de la justice sociale, elle demeure une inspiration indéniable pour les générations présentes et futures aspirant à bâtir un monde plus égalitaire et respectueux des différences.
Gisèle Halimi (27 juin 1927 – 28 juillet 2020)
Gisèle Halimi était une célèbre femme politique, militante féministe et avocate franco-tunisienne, passionnée par la défense des droits humains et la justice sociale. Toute sa vie durant, elle s’est battue sans relâche contre toutes les formes de discrimination et d’injustice, faisant d’elle une icône internationale du combat pour l’émancipation des femmes et l’équité entre les genres.
Sa lutte commença alors qu’elle avait à peine 20 ans, quand elle milite pour l’indépendance de son pays, la Tunisie. Elle dénonce également les tortures pratiquées par l’armée française sur des femmes tunisiennes. Après avoir déménagé en France, Gisèle Halimi continua à défendre ardemment les droits des femmes et des minorités, aussi bien dans son rôle d’avocate que dans celui de membre du gouvernement français.
Elle joua un rôle crucial dans la décriminalisation de l’avortement en France, en signant un manifeste déclarant aux côtés de 342 autres femmes avoir eu recours à un avortement illégal. Forte de son succès, elle fonda ensuite l’association «Choisir la cause des femmes», qui continuera d’œuvrer pour l’autonomisation des femmes et la protection de leurs droits.
Gisèle Halimi fut également connue pour avoir représenté plusieurs causes internationales hautement symboliques, telles que le procès de Bobigny en 1972, qui aboutira finalement à la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en France (Loi Veil de 1975).
Tout au long de sa brillante carrière, Gisèle Halimi inspira des générations de militants et de leaders politiques, incarnant un modèle d’engagement et de courage, son legs perdure et continue d’insuffler force et conviction aux activistes et citoyens du monde entier.
Simone Veil (13 juillet 1927 – 30 juin 2017)
Simone Veil, née Jacob en 1927, restera gravée dans l’Histoire comme une icône emblématique de la lutte pour les droits des femmes, tout spécialement en matière de procréation et de santé reproductive. Juriste, haut fonctionnaire et ministre, elle occupa différentes fonctions officielles au cours de sa brillante carrière professionnelle, devenant par là-même la première Présidente du Parlement européen en 1979. Toutefois, c’est surtout grâce à son engagement sincère et tenace en faveur de l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) que Simone Veil marque profondément les mémoires collectives.
Bien avant d’être propulsée au sommet de la hiérarchie institutionnelle, elle survécut à Auschwitz et Bergen-Belsen en tant que rescapée juive de la Shoah pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Cet effroyable traumatisme ne l’empêcha pas de poursuivre son parcours académique exceptionnel au sortir de la Libération, obtenant non seulement un diplôme en droit mais également en sciences politiques. Au fil des ans, Simone Veil participa activement à la création de l’Union Européenne, siégeant en qualité de Ministre de la Santé de 1974 à 1979. Durant ces cinq années cruciales, elle soumit avec succès le projet de loi autorisant l’IVG en janvier 1975, malgré une virulente opposition venue des rangs traditionalistes et religieux. Son discours poignant prononcé devant l’Assemblée Nationale reste depuis perçu comme l’un des moments phares de son mandat ministériel et personnel.
Simone Veil afficha constamment sa volonté farouche d’assurer un avenir meilleur pour les générations futures en termes d’autonomisation des femmes, de protection de leur intégrité physique et mentale, ainsi que de garantie d’un accès équitable aux services de planning familial. Plusieurs décennies après sa mort en juin 2017, elle continue d’incarner un modèle puissant de résilience et d’humanisme, illustré par son entrée au Panthéon français en juillet 2018.
In fine, elle est l’une des figures incontournable des acquis démocratiques modernes et un rappel constant quant aux limites inacceptables de toute forme de domination sociétale masculine menant à une diminution des droits des femmes.